Les troubles alimentaires et leur prévention

Témoignage d'Agnès, malade et battante, sur les TCA

Les TCA touchent tout le monde. Les hommes, les femmes, tous les genres. Les personnes blanches, racisées. Tous les âges, toutes les classes sociales. Les personnes valides, handicapées. Il existe de multiples manières de se définir et toutes les identités peuvent être touchées.

La société et les experts des TCA parlent surtout de l’anorexie. Et c’est important, il faut en parler. Mais il ne faut pas oublier l’hyperghagie et la boulimie, les formes atypiques des TCA et les TCA non spécifiés. Quand on est hyperphagique, boulimique ou autre, et que la société, les experts ne parlent pas de nous, c’est violent. On a l’impression de ne pas exister, de ne pas être légitime.

Peu importe qui on est et comment on souffre de TCA, on est légitime et on est légitime d’avoir de l’aide. Pour la plupart d’entre nous, la maladie s’est installé dans l’enfance, vers 10, 8 ou 6 ans. Très tôt, il y a eu cette conscience que notre rapport à la nourriture n’était pas sain. La maladie touchait notre corps, mais aussi notre psychisme. On se sentait vide, seule, submergée d’émotions. Mais on n’avait pas les mots pour décrire notre mal-être. Notre entourage ne voyait pas ou ne voulait pas voir. Nos parents étaient dans le déni, ne nous comprenait pas, étaient dans le jugement. 

Nos conjoints ont du mal à comprendre mais ils essayent de nous soutenir. Nos amis sont rarement au courant. Les TCA sont encore tabous. Petit à petit des personnes témoignent de leur combat, sur insta, sur youtube. La parole se libère sur les réseaux, mais il faut aussi que la parole se libère dans les familles, dans les couples, dans les cercles d’amis. Nous avançons dans notre combat contre la maladie, mais nous ne sommes pas guéris. Au quotidien, c'est un combat qui prend beaucoup de place dans nos pensées. Se peser tous les jours. Compter les calories. Trier ses aliments. Anticiper les repas. Manger en cachette. Faire du sport, pas par plaisir, mais pour compenser. Peur de grossir. Besoin de tout contrôler. Prendre des laxatifs. Se faire vomir. Éviter d’aller au restaurant. Boire de l’alcool. Prendre des drogues. Se mutiler. Mentir. Manipuler. Se sentir coupable. Se comparer aux autres. Vouloir être parfaite. Se dévaloriser. Très tôt, nous avons eu conscience du problème. Mais nous avions honte alors cela a pris du temps pour oser chercher de l’aide.

Nous avions honte, car on nous faisait comprendre que c’était simple, qu’il fallait juste manger, ou que nous étions faibles de manger autant ou que c’était notre faute si on était grosse. Nous voyons des psychiatres, des psychologues, des diététiciens, des nutritionnistes, des médecins généralistes, des hypnotiseurs. Certaines d’entre nous ont été hospitalisées, certaines ont encore des bilans à faire à l’hôpital. Parfois ça nous a aidés. Parfois non. Une fois par mois, nous nous réunissons au groupe de parole. 

Ça nous fait du bien de nous soutenir les une les autres. Ça nous fait du bien de parler. D’aborder tous les sujets. Sans tabou, sans jugement, avec bienveillance. Avoir un TCA est une épreuve. Ça prend tellement de place qu’on oublie qu’on a une maladie et pas qu’on est cette maladie. Nous ne sommes pas le problème, nous avons un problème. Les TCA viennent souvent avec leurs lots d’autres problèmes. 

Ils sont parfois liés à du harcèlement scolaire, des violences sexuelles, des deuils, des traumatismes, des dépressions, des burns out, un trouble de la personnalité borderline. Mais cette épreuve nous a permis de voir que nous étions forts, résilientes, battantes, courageuses, empathiques, sensibles, drôles, créatives, aimables. Nous nous sommes rendu compte que nous avons de l’espoir.